La voix dans 
la musique contemporaine

Un instrument

La voix est d'abord, pour les êtres sociaux que nous sommes, vecteur de la parole. Elle véhicule du sens, assure la communication. Mais la voix est aussi un instrument, et la première source de musique...

Dans les 3 grandes religions monothéistes, cette récitation fait appel à la musicalité du texte.

Source : influx

On ne « chante » pas une mélodie, mais la lecture à voix haute, en soulignant les inflexions du texte, en s’appuyant sur la musicalité de la langue, devient psalmodie, ou cantillation
La voix s’appuie souvent sur un ton rectiligne , auquel on apporte des nuances et des accents codifiés qui éclairent le texte et conduisent à une écoute priante. C’est une parole « habitée », ni une parole ordinaire, ni tout à fait de la musique.

Arnold Schoenberg

A l’ère moderne, Schoenberg radicalise le procédé en utilisant le « sprechgesang » (ou parlé-chanté). Ici les notes ne sont plus écrites, et l’écriture ramène un peu plus la voix vers la parole, comme ici dans le Pierrot lunaire (1912).

"Qui je suis " par Arnold Schönberg

Schoenberg : Blauer Blick

John Cage : Aria

Luciano Berio : Stripsody

Berio toujours, avec une oeuvre irrésistible, emblématique de la « musique de voix« . Composée pour sa femme, la vocaliste Cathy Berberian, la  Sequenza III (1966) pioche les fragments d’un petit texte, « les recomposant comme unités musicales et non plus linguistiques« . Une voix fantasque et malicieuse qui se découvrirait devant sa glace et se détaillerait, touchante, ironique et virtuose :

Flow

Plus tard encore et dans le domaine des musiques populaires, le rap et le slam mettent au cœur de la performance le flow, c’est-à-dire la capacité de moduler le débit et les intonations de la voix parlée en fonction du rythme de la musique et des couleurs du texte.

Enfin, -nous y arrivons-, la musique contemporaine va souligner, exhumer cette musicalité de la parole nue, en « révélant » la note que chante chaque syllabe de la voix parlée.Un exemple célèbre est le Different trains de Steve Reich créé en 1988). Un quatuor à cordes accompagne des voix enregistrées, en les redoublant ou en les enchâssant dans un petit contrepoint qui en souligne la musicalité :

Questionnaire sur la Voix contemporaine

Different trains 

 Steve Reich créé en 1988

Il n’y eut point d’abord d’autre musique que la mélodie, ni d’autre mélodie que le son varié de la parole

 (J.J. Rousseau, Essai sur l’origine des langues, chap. XI)

De la pulvérisation du verbe…

Dans la musique du XXè siècle, la libération de la musicalité de la voix va passer par un affranchissement vis-à-vis du texte. Par la mise à distance du texte, la voix se met en mesure de signifier par elle-même, d’être à elle-même son propre texte. Les mots deviennent alors « pré-texte », un appui pour une nouvelle odyssée de la voix.Certaines pièces semble marquer le moment de cette extraction. Le texte est encore là, mais le sens des mots semble disparaître au profit de leur consistance plastique, de leur capacité à être un matériau pour la voix. On peut entendre ainsi Cummings ist der Dichter (1970), de Pierre Boulez, basé sur un poème de E.E. Cummings.Poème de CummingsLa voix s’y appuie sur la dispersion graphique du texte dans la page. Elle ne se propose plus d’amener une parole d’un début vers une fin, mais elle se spatialise, s’éclate dans l’espace de la composition. La voix prend appui sur les mots pour dessiner des évènements et des textures sonores avec les instruments. ( cfr : influx )

Gavin Bryars

Une autre façon de s’affranchir du texte est d’utiliser la répétition. A force, le texte se vide de sa substance signifiante et devient une simple trame sonore. Le sens se perd, ne reste que la voix. Gavin Bryars et sa pièce Jesus blood never failed me yet (1971). 
Ici, la voix d’un clochard chantant un refrain est répétée à l’infini, elle devient la cellule mélodique, un bourdon à partir duquel le compositeur va créer des arrangement foisonnants, toujours enracinés dans cette ritournelle.

Georges Aperghis

Réservons enfin une place toute particulière à l’oeuvre considérable pour voix de Georges Aperghis. Il faut au moins mentionner -et écouter- les fameuses  Récitations pour voix seule (1978). Ce cycle est une exploration organisée des possibilités de la voix : le texte devient le support de saynètes vocales. C’est à la fois un jeu, un dictionnaire et un théâtre de la voix, rempli d’acrobaties techniques, de micro-drames cocasses et d’exercices de style vocal.

Caroline Shaw

Caroline Shaw est née à Greenville (Caroline du Nord) et commence à jouer du violon à l'âge de 2 ans (sa mère est son premier professeur). Elle commence à composer à l'âge de 10 ans, dans un style imité de la musique de chambre de Mozart et Brahms. Néanmoins, son principal centre d'intérêt est le violon. Shaw reçoit sa Licence d'exécution (Bachelor of Music en violon) à la Rice University en 2004, et son Master (master's degree (toujours en violon)) à l'université Yale en 2007. Elle entre en 2010 en doctorat de composition à l'université de Princeton.À trente ans, en 2013, elle devient la plus jeune récipiendaire du Prix Pulitzer de musique pour sa composition Partita for 8 voices (« Partita pour 8 voix »).

iNMUSICA.FR