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ECOUTE DE L’OEUVRE
DOSSIER
DEUXIEME DOSSIER
TROISIEME DOSSIER
Texte / LA CHANSON DE CRAONNE
La chanson de Craonne revisitée
Memo paroles
QUATRIEME DOSSIER
Présentation générale de la chanson :
Titre de la chanson : « Chanson de Craonne » aussi appelée « Chanson de Lorette »
ou « Chanson de Vaux ».
Type de chanson : C’est une parodie, c’est à dire une chanson reprenant la mélodie et
la métrique (respect de la versification) d’une chanson célèbre.
Auteur(s) : Les paroles sont d’auteurs anonymes, ils se sont au cours de la guerre
appropriés la chanson en adaptant les paroles.
La mélodie est issue d’une chanson à succès de 1911 « Bonsoir m’amour », de Charles Sablon,
c’est une valse légère.
Date de conception : On retrouve plusieurs traces écrites de cette chanson, elles
sont interceptées par le contrôle postal entre 1915 et la fin de la guerre. Au début,
elle porte le nom de « Chanson de Lorette », du nom des violents combats en Artois
de la même période. Puis on la retrouve modifiée en 1916, elle est alors adaptée à
l’héroïque et meurtrière défense du fort de Vaux (Verdun) par les français.
Sa dernière version relate les combats du Chemin des Dames et plus particulièrement
de Craonne en 1917.
Présentation du contexte historique:
Contexte général :
En 1917,lorsque la version de la Chanson de Craonne est rédigée, la guerre dure depuis
déjà 3 années, des combats d’une extrême violence ont eu lieu sans donner de
résultats (Verdun, la Somme…). La même année, un vent de révolte souffle en
provenance de Russie, où, dès février le peuple s’est soulevé contre le pouvoir et la
guerre.
Contexte particulier du secteur de Craonne :
Dès septembre 1914, les troupes allemandes occupent la crête.
Jusqu'en 1917 le front est stable. Les unités allemandes mettent à profit ces longs
mois pour transformer le Chemin des Dames en forteresse imprenable.
Croyant pouvoir en finir avec cette guerre de position et créer la rupture, le
commandant en chef des armées françaises, le général NIVELLE, lance une offensive
de grande envergure, le 16 avril 1917.
Malgré l'engagement des premiers chars d'assaut et un pilonnage intensif de
l'artillerie, cette offensive tourne au désastre. La rupture attendue s'avère
impossible à gagner, mais le général NIVELLE s'obstine néanmoins et décide de
reprendre coûte que coûte aux Allemands le village de Craonne et le plateau de
Californie, au prix de pertes considérables.
Cet échec véritable boucherie sape le moral des troupes françaises et entraîne un ras
le bol qui débouche sur les mutineries évoquées par la Chanson de Craonne .
Description de l'oeuvre :
1)Comment se décompose cette chanson ?
4 couplets, 1 refrain
2)Donnez un titre à chaque couplet et au refrain de cette chanson :
Le premier paragraphe : Les poilus se rendent résignés vers la zone des combats.
Le second paragraphe : Au bout de 8 jours, le bonheur de voir la relève arriver…
Le troisième paragraphe : Les rares permissions et la vision surprenantes de civils
dont la réalité quotidienne semble assez éloignée de celle du poilu.
Le quatrième paragraphe : Marque la volonté des combatants d’arrêter une guerre
qui selon eux sert uniquement les intérêts des nantis.
Refrain : Présente le désespoir des poilus et la certitude qu’ils ne reviendront pas en
vie dans leurs foyers…
- Portée et intérêt historiques
Quels message les auteurs veulent-ils faire transmettre ?
Quels sens donner à cette oeuvre ?
Les combats incessants et souvent très meurtriers se succèdent. En 1917, après 3 années de
luttes, les poilus se posent des questions sur le sens de leur sacrifice.
Le texte contient des allusions au quotidien des tranchées : le moment crucial de la « relève » qui
signifie la fin du danger pour les uns et le risque de mort pour ceux qui « vont chercher leur
tombe », la permission qui permet de voir « les embusqués » (pour les combattants, ceux qui
échappent au conflit et qui en profitent parfois pour s’enrichir) sur les « boulevards » parisiens.
Beaucoup de poilus vont se mutiner (se mettre en grève). Ils tiendront leurs positions, mais n’iront
plus à l’assaut des tranchées allemandes. Ces mutineries touchent toutes les armées de l’Entente
comme de l’Alliance. Elles sont souvent accompagnées de grèves à l’Arrière ou les plus démunis
réclament de quoi se nourrir.
La Russie va même connaître deux révolutions (février et octobre ) durant cette année 1917.
Elles vont entraîner la fin de l’empire et la prise du pouvoir par le peuple.
L’intention des parodistes n’est pas artistiquement innocente : en décrivant l’horreur de
leur quotidien sur cette mélodie associée à la plus douce insouciance amoureuse, ils provoquent un
choc émotionnel terrible.
C'est aussi une chanson engagée qui met en avant la lutte entre deux mondes, les civils protégés
(« civelots ») et les fantassins exposés (« purotins »).
Elle sera publié par un écrivain et militant communiste (Paul Vaillant-Couturier), dès 1920 qui
transformera l’opposition civils/fantassins par la lutte des classes (les ouvriers et les paysans contre
la bourgeoisie).
Cette chanson sera fredonnée discrètement plutôt que chantée. Elle marque une fracture au sein
des français (civils / poilus) et la dureté des combats au front. A partir de 1919, les Français
veulent oublier la guerre.
1- Quand au bout d'huit jours le repos terminé
On va reprendre les tranchées;
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personne ne veut plus marcher.
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot,
On dit adieu aux civelots1.
Même sans tambour, même sans trompette
On s'en va là-bas en baissant la tête.
REFRAIN
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne que le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés
2- Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la relève
Que nous attendons sans trève.
Soudain dans la nuit et le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied2
Qui vient nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.
REFRAIN
3- C'est malheureux d’voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire,
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d’ se cacher tous ces embusqués3
F’raient bien d’monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens, car nous n’avons rien.
Nous autres les pauvres purotins4
Et les camarades sont enterrés là
Pour défendre les biens de ces messieurs-là.
4- Ceux qui ont l’pognon, ceux-là r’viendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, nous les trouffions (5)
Vont tous se mettre en grève
Ce s’ra votre tour messieurs les gros
De monter sur l' plateau
Si vous voulez encore la guerre
Payez-la d' votre peau.
NOTES
(1)Les civelots : les civils qu'on quitte
après 8 jours passés au repos.
(2) Les chasseurs à pied : des soldats de
l'infanterie.
(3) Les embusqués : des hommes qui se
débrouillent pour ne pas aller au front en
se faisant nommer à l'arrière.
(4) Les purotins : les pauvres, ceux qui
n'ont rien.
(5) Les trouffions : les simples soldats
(mot de l'argot militaire).