Préface du livre de poésies " Opera mundi " par Fernando Arrabal

Mario Salis, qui vibre tout entier pour la musique,
ne pouvait mieux évoquer à la fois sa passion et l'essence même de la poésie,
si étroitement liée à elle .
Orphée lui-même attirait à lui les bêtes sauvages grâce au son de sa lyre .

Mais le recueil s'intitule aussi Carnets de poésie.
Or un carnet sert à prendre…des notes.
Ou des croquis. Ou des instantanés. Qui dit instantanés dit temps.
C'est lui qui revient tel un leitmotiv tout au long du recueil:
« Le temps n'en finit pas, Hey Mister Time, Le temps viendra, Combien de temps encore »,
tels sont les titres que l'on peut relever au fil des poèmes.
Il se glisse également dans ceux-ci mêmes.

"Il me faudra tant et tant de lendemains, pour faire des tours et des châteaux de verre"
( La lumière de mes yeux ).
"Mais l'aube se confond avec l'aurore, comme souvent cela advient lorsque la vie t'effleure
Et que le temps te poursuit précédant ton avenir"
( Le plateau de Zeus ) ,

On pourrait multiplier les exemples. Le poète traverse aussi l'espace :
il se dépeint "Sur les hauteurs du monde" en Grèce ou "Sur la route de Genève".
Il se revoit jeune homme sillonnant le vaste monde avide de tout découvrir
"En jeune poète j'arpentais les routes à neuf cent kilomètres à l'heure" ( Le martien ).
Il rêve au-delà de l'horizon ( Nuages d'août ).
La musique apparaît nommément sous forme de chanson
( La chanson du mal, Chanson anonyme ).

Un vrai poète ne saurait oublier de célébrer l'amour ,
ni d'évoquer le côté sombre de la vie :l'ennui , le mal ,la folie, la mort (Les anges de la mort).
Enfin il est un personnage clé auquel Mario Salis adresse
une litanie poignante: " son père qu'il aurait aimé pouvoir embrasser ".

C'est peut-être là le point nodal de toute la nostalgie qui court au long des vers,
qui inspire les images superbes et ambivalentes
Mon père une digue d'orties et de fleurs de basilic") ;
ce fut une ombre qui ne put être tutélaire,
mais que l'on arrache à l'oubli en la rendant si proche :
" Mon père cet ami d'enfance qui ne voulait pas parler ".

A travers le monde, n'est-ce pas cette voix dont il cherche l'écho?
Elle qui pourrait couvrir celle des anges de la mort.
Enfin , il faut savoir s'abandonner , lâcher prise pour atteindre à la poésie ,
"pour embrasse(r) les mots, pour toucher en un instant ce que peu d'hommes perçoivent".

La race des dominants , des vainqueurs , des winners ne comprend rien .
La quint'essence de ce monde lui échappe
(La différence entre un joueur de football et un poète).
La poésie est foudre.
Le poète un voleur de feu . Mario Salis le sait mieux que quiconque,
qui aspire à être ce Prométhée.


Arrabal (Venise, 22, Falo, 134 de l’E. ‘P.)

 

Mariosalis.fr