Camille Saint-Saëns
En 1886, Saint-Saëns est un compositeur admiré et reconnu en France et à l’étranger. Pianiste virtuose, organiste, il a déjà de nombreuses compositions à son actif. Après une tournée de concerts (Berlin, Cassel, Prague...) peu favorable à sa musique, il compose Le Carnaval des animaux dans les environs de Vienne, en Autriche. À l’exception de quelques pièces (Le Cygne, Aquarium), c’est l’humour et la légèreté, peut-être même la moquerie et l’ironie qui caractérisent l’œuvre. Avec l’écriture de cette réjouissante pochade musicale, Saint-Saëns semble s’être octroyé un moment de détente joyeuse (il refuse d’ailleurs la publication de l’œuvre de son vivant, à l’exception du Cygne !).
Saint-Saëns grandit sous l’influence des compositeurs romantiques tels que Berlioz, Mendelssohn ou encore Liszt. Il adopte le langage musical de son temps jusqu’à la guerre de 1870 qui le marque profondément et détermine de nouvelles orientations musicales. Guidé par un nationalisme ardent, il s’engage pour la défense de la musique française avec notamment la création de la Société Nationale de Musique. Se faisant désormais le partisan d’une tradition plus classique (celle de Rameau), il rejette tout type d’innovation que l’on peut entendre à l’époque chez Debussy ou Richard Strauss par exemple.
Saint-Saëns écrit dans tous les genres de la musique du XIXe siècle (des symphonies, concertos, poèmes symphoniques, musique de chambre, opéras…). Les facéties du Carnaval des animaux, ainsi que ses qualités festives et caricaturales associées à l’idée de carnaval, font donc figure d’exception dans l’œuvre très sérieuse du compositeur. La dérision et l’humour sont au cœur du discours musical mais Saint-Saëns donne néanmoins un caractère plus émouvant voire introspectif à certaines pièces. ( Cfr. )
Dès les premières mesures, les trilles des deux pianos nous plongent dans un tourbillon sonore à travers lequel on devine le pas du roi des animaux : ce sont les trois noires en mouvement ascendant dans un tempo modéré (indiqué andante maestoso) jouées par les cordes. La musique s’anime petit à petit jusqu’au glissando des pianos en mouvements contraires (l’un en mouvement ascendant, l’autre en mouvement descendant) : le rideau s’est levé et le lion apparaît au son des « trompettes » qu’imitent les deux pianos dans un rythme de marche très cadencé. Plusieurs passages chromatiques évoquent le rugissement du lion.
Les pianistes « débutants » (l’épithète est de l’éditeur Durand qui l’écrit sur la partition) semblent être pour Saint-Saëns de drôles d’animaux : leurs premiers pas dans le monde de la musique sont hésitants et malhabiles, les doigts tombant de temps en temps sur les mauvaises touches. Les deux mains sont à l’octave et le déroulement des doubles croches dans le tempo allegro moderato est plus un exercice pour les doigts qu’une pièce de concert ! Après le do majeur initial, voici le ré bémol majeur, puis le ré majeur, le mi bémol majeur. Les modulations au demi-ton s’enchaînent ! À la fin, lorsque les cordes s’en mêlent, le discours des pianistes s’est simplifié, l’ordre pianistique est rétabli !
On reconnaît dans ce mouvement les notes du xylophone extraites de la Danse macabre du même Saint-Saëns. Les défunts ne sortent pas ici de leur tombeau mais sont des fossiles dont on imagine les os qui s’entrechoquent au cours de leur danse endiablée ! Musicalement, il se passe beaucoup de choses. Ce sont d’abord des mélodies traditionnelles que l’on reconnaît : J’ai du bon tabac traité ici en canon aux deux pianos, la seconde voix en mouvement miroir, Ah vous dirai-je maman traité en bref fugato toujours aux deux pianos, auquel se superpose Au clair de la lune à la clarinette. Après ce florilège de culture traditionnelle traitée musicalement de manière savante, on entend un extrait d’un air de l’opéra Le Barbier de Séville de Rossini : « Una voce poco fa » (J’ai entendu une voix).
le Carnaval des animaux
The Amazing Keystone Big Band
Version jazz
created with
Website Builder Software .